Quand la Saône-et-Loire
fournissait de l'uranium au nucléaire

L’effondrement du puits de la mine d’uranium de La Faye, à Grury dans le Charolais, le 13 avril 2024, nous renvoie à l’histoire plutôt brève de l’uranium dans le Sud Morvan où  19 gisements ont été exploités entre 1905 et 1990. Un parking de Gueugnon en porte encore les séquelles. Pierre-Christian Guiollard, spécialiste des mines, y a consacré un livre.

Pierre Christian Guiollard

Pierre Christian Guiollard

Un de ses 25 ouvrages est consacré à ce pan de l'histoire de la Saône-et-Loire. Paru en 2002, ce livre est encore disponible sur le site de l'auteur

Un de ses 25 ouvrages est consacré à ce pan de l'histoire de la Saône-et-Loire. Paru en 2002, ce livre est encore disponible sur le site de l'auteur

Qui est Pierre-Christian Guiollard

Quarante ans de recherches

Âgé de 69 ans, Pierre-Christian Guiollard est docteur en histoire des sciences et des techniques, et chercheur associé au Cresat (Université de Haute Alsace à Mulhouse). Il a mené pendant 40 ans des recherches historiques et techniques sur les mines de charbon et de métaux non ferreux. Il est titulaire d’un DEA en Histoire industrielle, logiques d’entreprises et choix technologiques (Cresat). Il est aussi conseiller technique et membre de conseils scientifiques. Il a publié 25 ouvrages entre 1983 et 2010, dont L’uranium du Morvan et du Forez en 2002 et collaboré à d’autres dont des revues spécialisées. De 2007 à 2021, tout en poursuivant ses recherches, il a dirigé le service de documentation technique puis le pôle géosciences d’un grand groupe minier français. En 2023, il rempile en tant que chef de projet de numérisation des archives géologiques et minières du groupe Orano Mines (ex-Areva).

Chapitre 1

Du radium à l'uranium

Pourquoi a-t-on recherché de l’uranium en Saône-et-Loire ?

L'explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, au Japon, en 1945

L'explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, au Japon, en 1945

« En 1945, le général de Gaulle a créé le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) avec une volonté d’avoir une indépendance militaire pour la bombe mais aussi dans une perspective énergétique avec la production d’électricité. Le CEA avait des équipes de prospecteurs qu’il a créées et envoyées sur toute la France et dans le monde entier. Avant 1945, on avait quelques indices car l’uranium était connu pour des usages liés à la coloration des verres, par exemple ou des émaux. On le connaissait aussi pour le radium qui se trouve toujours avec l’uranium, pour les travaux de Pierre et Marie Curie. Un prospecteur morvandiau, Hippolyte Marlot, décédé en 1920 à Toulon-sur-Arroux, avait découvert un gisement à côté de Saint-Symphorien-de-Marmagne, aux Ruaux, et il l’exploitait en 1905 pour le radium. Il s’agissait de minerai d’uranium. On avait donc déjà quelques cibles préférentielles. Les prospecteurs ont ainsi été envoyés dans des provinces riches en uranium telles que le Morvan, le Forez, le Limousin, la Vendée, la Bretagne, etc. Ce sont les débuts. Dès 1947, des gisements comme celui de La Faye (Grury) ou encore celui de Bauzot (Issy-l’Évêque en 1950), Les Brosses (Oudry en 1955)… ont été exploités. Il y a d’abord eu des missions de recherche et ils ont été ensuite mis en exploitation. »

Hippolyte Marlot (1850-1920)

Hippolyte Marlot (1850-1920)

Les gisements d’uranium de Saône-et-Loire étaient-ils nombreux ?

« La division (minière, Ndlr) du Morvan est caractérisée par une multitude de petits gisements. Des gisements qui ont produit sur deux périodes : de l’après-guerre aux années 60 et du premier choc pétrolier (1973, Ndlr) – qui a donné lieu à des réouvertures de mines – jusqu’aux années 80. Globalement, ces gisements ont plus ou moins donné une centaine de tonnes d’uranium. Ce qui est relativement faible si l’on compare à des gisements comme celui du Forez qui était de 7 000 tonnes"

" Mais il y avait une multitude de petits gisements, ce qui faisait que la totalité n’était pas négligeable surtout à cette époque-là. À Bauzot, entre la mine à ciel ouvert, exploitée entre 1984 et 1986, et la mine souterraine, exploitée entre 1950 et 1957, on a extrait 55 tonnes d’uranium. C’est moins que La Faye (110 tonnes). La plus productive a été la mine des Jalerys, toujours à Grury, avec, en souterrain, l’extraction de 625 tonnes d’uranium. Il y avait aussi le gisement d’Hippolyte Marlot, à Saint-Symphorien-de-Marmagne où ce sont surtout Les Ruaux qui ont été exploités. Ils ont été repris en 1945 mais ce sont des gisements très superficiels, à faible teneur et très dispersés. Il n’y avait pas trop d’intérêt économique car le gisement avait déjà été exploité en 1905, ce qui explique que l’on a extrait seulement 1,5 tonne d’uranium. »

Mine à ciel ouvert de La Faye à Grury en 1984 . Photo Cogema du fonds de collection de P-C Guiollard

Mine à ciel ouvert de La Faye à Grury en 1984 . Photo Cogema du fonds de collection de P-C Guiollard

Carreau de la mine des Ruaux, à Saint-Symphorien-de- Marmagne en 1948. Photo de J. Jeffroy du fonds de collection de Pierre-Christian Guiollard

Carreau de la mine des Ruaux, à Saint-Symphorien-de- Marmagne en 1948. Photo de J. Jeffroy du fonds de collection de Pierre-Christian Guiollard

Les mines d’uranium en Saône-et-Loire
étaient-elles profondes ?

« La Faye, où le puits s’est effondré, descendait jusqu’à 90 mètres de profondeur ; jusqu’à 125 mètres pour le puits des Jalerys, et 220 mètres pour le puits Bauzot qui était le plus profond. C’est beaucoup moins profond que la dernière mine d’uranium de Jouac, en Haute-Vienne, qui était de 400 mètres. »

Pourquoi a-t-on arrêté d’y extraire de l’uranium ?

« Il y a deux choses qui arrêtent les mines. Soit il n’y en a plus, ce qui a été un peu le cas du Morvan, soit les cours sont trop bas. Le coût d’exploitation est alors supérieur au prix de vente. Globalement pour le Morvan, tout a été exploité car les gisements étaient assez petits. Ils ont été vite épuisés. »

Chapitre 2

Des emplois et des infrastructures grâce à l'uranium

Henri Carrat, géologue (4e en partant de la droite, debout) et son équipe de prospecteurs, 1954 environ. Photo © H. CARRAT du fonds documentaire P.C. Guiollard

Henri Carrat, géologue (4e en partant de la droite, debout) et son équipe de prospecteurs, 1954 environ. Photo © H. CARRAT du fonds documentaire P.C. Guiollard

Jusqu'à 1500 emplois induits grâce aux mines de Grury

Premières reconnaissances en 1946 à La Faye à Grury. Photo du Fonds Orcel, MNHN

Premières reconnaissances en 1946 à La Faye à Grury. Photo du Fonds Orcel, MNHN

Grury avait le double d'habitants au temps de ses mines d'uranium

Sur la division de Grury, dans le Charolais, sur l’ensemble des sept gisements dans les années 1955-1957, « on comptait quelque 300 mineurs, indique Pierre-Christian Guiollard, historien et chercheur. On disait qu’un emploi direct, ce sont trois à cinq emplois induits. On peut donc dire que les mines faisaient travailler 1 500 personnes à côté. Ceci sans compter les familles des mineurs. À cette époque, il avait aussi été construit un groupe scolaire », se souvient l’historien, spécialiste des mines.

Aujourd’hui, Grury compte 500 habitants contre 1 066 en 1954. Ces effectifs ne tiennent pas compte de ceux des gisements à Neuvy-Grandchamp ou Issy-l’Évêque… Ni de l’usine de traitement de l’uranium de Gueugnon (lire par ailleurs).

J. M. Andriot à la recette du puits de Bauzot à Issy L'évêque en cours de fonçage en 1951 . La commune comptait 1 424 habitants à l'époque contre un peu moins de 700 aujourd'hui. Photo du Fond Orcel, MNHN

J. M. Andriot à la recette du puits de Bauzot à Issy L'évêque en cours de fonçage en 1951 . La commune comptait 1 424 habitants à l'époque contre un peu moins de 700 aujourd'hui. Photo du Fond Orcel, MNHN

Chapitre 3

Et des maladies professionnelles

M. Belval, un technicien géologue au fond de la mine de Bauzot à Issy-l'évêque. Photo H. CARRAT du fonds documentaire P.C. Guiollard

M. Belval, un technicien géologue au fond de la mine de Bauzot à Issy-l'évêque. Photo H. CARRAT du fonds documentaire P.C. Guiollard

« Fumer au fond était un facteur hyper aggravant »

« C’est toujours la problématique de savoir à quoi est liée une maladie, fait remarquer l’historien et chercheur Pierre-Christian Guiollard. On peut essentiellement retrouver un peu la silicose (troubles pulmonaires, Ndlr) dans les filons siliceux. Le charbon provoque la pneumoconiose mais pas la silicose. C’est la silice contenue dans les roches. Un mineur qui creusait les galeries pour accéder dans les couches de grès la rencontre essentiellement dans le quartz. » Mineurs de charbon et d’uranium pouvaient contracter la silicose. « On a aussi le cancer du poumon, poursuit l’historien. Il y a des causes multifactorielles à cela. Mes voisins de 80 ans qui ont travaillé toute leur vie dans des mines d’uranium du Limousin pètent la forme. Mais ils n’ont jamais bu, ni jamais fumé, précise-t-il. Par contre, il est clairement établi que, pour un mineur d’uranium, fumer et fumer au fond de la mine est un facteur hyper aggravant. Il avait une forte probabilité de développer un cancer du poumon ».

S’il était interdit de fumer dans les mines de charbon, fumer était dans les mines d’uranium, autorisé. « On peut le voir sur les photos de l’époque. Je l’ai aussi vu de mes yeux », confirme le chercheur.

Des prospecteurs au fond de la mine de Bauzot vers 1954 Photo H. CARRAT du fonds documentaire P.C. Guiollard

Des prospecteurs au fond de la mine de Bauzot vers 1954 Photo H. CARRAT du fonds documentaire P.C. Guiollard

Chapitre 4

Les pierres d'uranium sont-elles dangereuses ?

Une Autunite, un des minerais d'uranium. Photo P-C. Guiollard

Une Autunite, un des minerais d'uranium. Photo P-C. Guiollard

Les minerais d'uranium peuvent avoir de belles couleurs et faire plaisir aux collectionneurs. Mais est-il prudent de les conserver chez soi ?

« C’est un débat, sourit Pierre-Christian Guiollard, docteur en histoire science et technique de l’industrie minière. Il y a plusieurs types de minerais. Il y a la pechblende qui est un minerai très riche et très radioactif qu’il n’est pas conseillé de garder sur sa table de nuit. C’est d’ailleurs tout noir et très moche. Après, les minerais secondaires qui intéressent beaucoup les collectionneurs, comme l’autunite (phosphate d’uranium et de calcium hydraté, Ndlr) parce qu’ils ont de belles couleurs jaunes ou orange. Elles sont beaucoup moins radioactives. C’est comme le parking de Gueugnon. Si globalement, avec un minerai d’uranium, on se lave les mains, s’il n’est pas stocké dans un lieu de vie, pas mis à la disposition des enfants, il n’y a aucun danger. Ils n’en mourront pas et ils n’auront pas le cancer demain pour avoir touché une pierre d’uranium. La seconde chose, c’est l’inhalation des poussières, et ça, ce n’est pas très bon. Et les minerais d’uranium dégagent du radon. Si la pierre est grosse comme un œuf, elle ne va pas vous pourrir la maison mais il est bien pour un collectionneur d’enfermer ces pierres dans des boîtes plexi afin d’éviter que le radon se diffuse. La radioactivité est proportionnelle à la masse et à la distance. Un morceau de pechblende gros comme un œuf, qui est le plus radioactif, au contact, va dégager 15 000 c/s (chocs par seconde) sur un compteur Geiger ; à un mètre, on tombe à 800 c/s, et à deux mètres on ne le détecte même plus. »

De la pechblende, le minerai d'uranium le plus radioactif Photo wikipedia

De la pechblende, le minerai d'uranium le plus radioactif Photo wikipedia

Chapitre 5

Les conséquences de ce passé ...

Gueugnon et ses terrains radioactifs

En 1980, Cogema (devenue Orano et Framatome) ferme son usine de traitement d’uranium à Gueugnon après 25 ans d’exploitation et 235 000 tonnes de déchets radioactifs enfouis dans le sol, entraînant la fermeture du parking “radioactif” du stade Jean-Laville en 2008, puis en 2015, le déménagement d’une entreprise aux abords à cause du radon, ce gaz naturel issu de l’uranium.

« L’usine de traitement de Gueugnon a été l’une des premières construites par le Commissariat à l’énergie atomique (devenue Orano et Framatome) en 1954 et mise en service dès février 1955 », rappelle l’historien et chercheur Pierre-Christian Guiollard. « Cette usine n’a pas traité que de l’uranium. Elle traitait aussi des minerais provenant du Forez, du tungstène des Pyrénées. »

Stockage des fûts en provenance de Mounana au Gabon Photo CEA

Stockage des fûts en provenance de Mounana au Gabon Photo CEA

« Ce n’est pas non plus Tchernobyl »

Quant à la polémique , ce spécialiste des mines en France convient qu’elle « est liée à une époque où l’on prenait moins de précautions ». « Aujourd’hui, on a des normes plus strictes. À Gueugnon, on ne peut pas accuser la nature car le terrain a dû être remblayé avec les sables de l’usine de traitement de l’uranium comme cela se faisait à l’époque. Aujourd’hui, ce n’est pas normal effectivement de laisser le terrain en l’état dès lors où on peut l’enlever, c’est mieux. Mais ce n’est pas non plus Tchernobyl, il ne faut pas exagérer », considère le chercheur. En 2007, la Criirad , laboratoire indépendant spécialiste de la radioactivité en France, avait relevé des mesures 20 fois supérieures à la normale.

« Quand vous allez vous bronzer sur les rochers de Bretagne, vous prenez plus que sur le parking de Gueugnon »

« Quant au radon, j’habite une maison dans le Limousin de 1634 où j’ai 1 000 becquerels* par m2 dans la maison alors que le seuil sanitaire est à 300 becquerels, explique-t-il. On vit avec, c’est comme ça aussi quand vous allez vous bronzer sur les rochers de Bretagne, vous prenez plus que sur le parking de Gueugnon. Il faut aussi le savoir mais il y a toujours des personnes qui aiment faire peur aux gens », regrette-t-il.

*Unité de mesure de la radioactivité d’un corps

L'usine de traitement des minerais d'uranium de Gueugnon en 1966. Elle a ouvert en 1955 et elle a été fermée en 1980. Photo CEA

L'usine de traitement des minerais d'uranium de Gueugnon en 1966. Elle a ouvert en 1955 et elle a été fermée en 1980. Photo CEA

Le fait divers


Et la terre s'ouvre

Au lieu dit La Faye, un habitant découvre le 13 avril 2024 un énorme trou sur le terrain qu'il exploite mais qui appartient à Orano (ex AREVA) . Photo Orano Mining

Au lieu dit La Faye, un habitant découvre le 13 avril 2024 un énorme trou sur le terrain qu'il exploite mais qui appartient à Orano (ex AREVA) . Photo Orano Mining

Plus de peur que de mal ce samedi 13 avril 2024 à Grury, dans le Charolais, où un trou de 5 mètres de diamètre et près de 20 mètres de profondeur s’est formé dans un pré, au lieu-dit La Faye. Qu’est-ce qui a provoqué cet effondrement ? Y a-t-il un danger ? Orano Mining (ex-Areva Mines), propriétaire des lieux, s’est rendu sur place le dimanche pour analyses.

Eclairage avec Nadine Himeur, cheffe de projet Après-mines chez Orano Mining

L'accès au site est condamné Photo Catherine Zahra

L'accès au site est condamné Photo Catherine Zahra

Il y avait du mouvement ce samedi après-midi à Grury, petite commune du Charolais, avec des allées et venues de véhicules de secours sur le chemin de La Faye. Aux alentours de 16 heures, les sapeurs-pompiers sont intervenus sur le site de l’ancienne mine d’uranium, après qu’un effondrement de sol a eu lieu dans un pré appartenant à Orano Mining. Il s’agit d’une ancienne entité d’Areva spécialisée dans l’extraction d’uranium (Areva Mines). Elle fournissait des concentrés d’uranium pour l’industrie nucléaire.

Un arrêté municipal a aussitôt été pris

Guillaume Forat a du installer des panneaux pour condamner l'accès au pré où s'est formé le trou car c'était le défilé sur sa propriété le lendemain de sa découverte. Photo Catherine Zahra

Guillaume Forat a du installer des panneaux pour condamner l'accès au pré où s'est formé le trou car c'était le défilé sur sa propriété le lendemain de sa découverte. Photo Catherine Zahra

Trois hectares font l’objet d’une convention avec un habitant de Grury afin que celui-ci entretienne le terrain (tonte et taille des haies). Guillaume Forat y laisse aussi paître ses bêtes. Il a lui-même 4 hectares attenants à ce pré qui couvre la majeure partie de l’ancienne mine. « Un arrêté municipal a aussitôt été pris par le maire afin d’en interdire l’accès », rapporte Nadine Himeur, cheffe de projet Après-mines chez Orano Mining, qui s’est déplacée sur les lieux ce dimanche matin. « Je suis venue pour constater et avoir les premiers éléments techniques de réponse, explique-t-elle. Car ce n’est pas sur photo que l’on peut voir ce qui s’est passé. » Elle en a profité pour rencontrer l’occupant de la parcelle, Guillaume Forat.

« Le remblayage est parti »

« Le trou fait une surface de plus ou moins 15 ou 20 m maximum », rectifie-t-elle par rapport au communiqué de ce samedi de la préfecture de la Saône-et-Loire. « La profondeur annoncée était de 15 mètres mais comme l’eau a remonté, on peut tabler sur une vingtaine de mètres », détaille-t-elle. « Nous avons aujourd’hui la certitude qu’il s’agit d’un ancien puits qui s’est effondré. Ce n’est pas un effondrement au niveau de la carrière, mais bel et bien le puits minier. Et à Grury, il n’y avait qu’un seul puits d’exploitation de l’uranium. Il y avait eu un remblayage à l’époque de sa fermeture en 1957, mais le remblayage est parti dans le puits car il a dû y avoir un vide d’une profondeur de 15 à 20 mètres. »

Le dérèglement climatique est la cause la plus probable

« À partir de ce lundi, Orano Mining va lancer toute la partie documentaire, recherches dans les archives pour avoir toutes les données techniques de ce puits, de ce qui avait été fait, etc., explique Nadine Himeur. Cela donnera lieu à une étude préalable aux travaux que l’on fera pour sécuriser cet endroit. » Nadine Himeur ne souhaite pas donner de date car « cette étude peut prendre quelques jours comme quelques semaines, tout dépend de ce qui va ressortir de ces archives de 70 ans. Ce n’est pas tout jeune. Il faut analyser tout cela calmement et sereinement, insiste-t-elle, tout en ayant en tête qu’aujourd’hui la zone est sécurisée car interdite. Il n’y a pas de risque pour l’ancien occupant, ni pour les populations autour. Il n’y a donc pas de notion d’urgence sur ce sujet. » Les relevés de la préfecture de Saône-et-Loire ont aussi attesté qu’il n’y avait aucun impact sanitaire avant et après cet effondrement à cause de l’uranium.

Quel en est la cause ? « La base de cet effondrement est très probablement due aux fortes précipitations de ces derniers mois, en volume et en intensité, qui ont été précédées par des périodes de sécheresse intense en 2023 », suppose Nadine Himeur tout en faisant remarquer que le terrain avait été stable de 1957 à 2024. « C’est la seule différence depuis 70 ans. »

Le puits de la mine de La Faye s’effondre à Grury

Le trou de 5 m de diamètre et de près de 20 m de profondeur. Photo Orano Mining

Le trou de 5 m de diamètre et de près de 20 m de profondeur. Photo Orano Mining

Le 13 avril, un trou de 5 mètres de diamètre et de 15 à 20 mètres de profondeur a été découvert dans le champ d’un habitant de Grury au lieu-dit La Faye, dans le Charolais.

Remblayé en 1957, le puits de l’ancienne mine souterraine d’uranium s’était effondré, entraînant au fond l’un des deux chevaux de l’usage de ces 3 hectares de près appartenant à Orano Mining (ex-Areva). L’animal est bien entendu décédé. Les fortes pluies de ces derniers précédés de l’intense sécheresse de 2023 en seraient la cause. De son côté, la préfecture de Saône-et-Loire a annoncé qu’elle ferait inspecter les autres installations minières du département afin de prévenir un éventuel accident.

Quelle méthode de remblayage ?

« La remontée naturelle de l’eau dans les travaux miniers souterrains peut participer à leur stabilité », explique Nadine Himeur, cheffe de projet Après-mines. « Pour ce genre de puits, le remblayage se fait par de la matière solide. Cela peut être du bloc, du béton ou les deux. Il faut savoir, surtout voir techniquement comment on peut réellement s’approcher de la zone et quel périmètre de sécurité on mettra autour. » La remontée naturelle des eaux se fait uniquement pour les ouvrages profonds. « Pour un ouvrage débouchant au jour [comme le puits de Grury] qui mène du fond jusqu’à la surface, c’est du remblayage car la remontée des eaux ne suffit pas. Ce n’est pas une technique de réaménagement d’ouvrage de liaison fond-jour. »

Chapitre 6

L'avenir

La mine d'uranium à ciel ouvert de La Faye à Grury en 1984. Photo Cogema

La mine d'uranium à ciel ouvert de La Faye à Grury en 1984. Photo Cogema

On n’a plus d’uranium en France mais on a du lithium

« L’extraction de l’uranium a pris fin en France en 2001, avec la fermeture de la mine de Jouac en Haute-Vienne », explique Pierre-Christian Guiollard, auteur, éditeur, conférencier en histoire minière. « Cette fermeture est due en grande partie à cause du cours de l’uranium qui était descendu à 7 dollars la livre environ alors qu’aujourd’hui, il est à 80 dollars. Il aurait aussi fallu refaire les infrastructures pour puiser encore plus profond alors qu’on était déjà à 400 mètres de fond. »

Aujourd’hui, il est peu probable qu’on rouvre une nouvelle mine d’uranium car « en France, on a très bien prospecté l’uranium », assure celui qui a aussi travaillé pour Orano (ex-Areva).

En 2028, on cherchera le lithium dans l’Allier

« On a bien gratté ce qu’il y avait à gratter. Il n’y a donc pas de projet d’ouverture de mines d’uranium mais des mines de métaux rares comme l’or, le lithium… Il y a des recherches en cours dans le Limousin sur l’or et les métaux rares. C’est en vogue. Il y a la mine de lithium dans l’Allier qui est en passe d’être ouverte (le projet d'IMERYS est en débat public jusqu’au 7 juillet 2024 et sa mise en service est prévue courant 2028 selon le dossier du maître d’ouvrage , Ndlr). Il y a plusieurs compagnies minières qui s’y intéressent car si la Chine ferme ses robinets, on en aura encore plus besoin. » Le lithium sert en pharmacie (traitement médical) et dans l’industrie (batteries, etc).

S’il n’y a plus d’uranium à extraire en France, d’où vient celui qui alimente nos centrales nucléaires ? « L’uranium est assez bien réparti dans le monde, fait remarquer Pierre-Christian Guiollard. Il y en a un peu partout mais les gros centres d’approvisionnement sont le Canada , le Kazakhstan et l’Australie puis l’Afrique avec le Congo et le Niger mais ce dernier est un peu en stand-by avec l’évolution politique du pays. Il y a des projets en Mongolie. »

La carrière de Kaolin de l'Allier sous laquelle dès 2028, on va extraire du lithium. Photo IMERYS

La carrière de Kaolin de l'Allier sous laquelle dès 2028, on va extraire du lithium. Photo IMERYS