Le long parcours des victimes de l'orage

Le 21 juin, un violent orage s'abat sur le Charolais. En quelques minutes, la grêle fait des ravages. Six mois après, comment le territoire panse-t-il ses plaies ? Nous revenons, en quatre épisodes, sur cet événement marquant. Aujourd'hui, nous retrouvons des victimes de l'orage qui racontent leur situation, plusieurs mois après l'événement climatique.

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Barberêche, au cœur de la tourmente du 21 juin 2022

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

L’orage de grêle du 21 juin 2022 a cause de très nombreux dégâts en Charolais, sur un couloir d’orage allant de Chassenard à Martigny-le-Comte. Sur son passage, la grêle a dévasté des cultures, brisé des vitres, transpercé des toits, anéanti des outils de travail et de très nombreux véhicules.

Selon la communauté de commune du Grand Charolais, plus de
6 000 véhicules auraient été endommagés en 15 minutes d’orages. Et plus de 1 000 toitures d’habitations ou d’entreprises auraient été abîmées. Des chiffres qui attestent de la violence de cet épisode climatiques hors-norme. Les victimes, nombreuses, ont dû batailler ferme avec experts et assurances pour tenter d’être indemnisées.

Il devait partir à la retraite, mais ce n’est plus possible

C’est à Vitry-en-Charollais, au lieu-dit Barberêche, que la situation a été vécue comme un cataclysme par les entreprises de la zone artisanale. Six mois après le déluge, le magasin Cosy Cherry, une grande surface de déco, cadeaux et équipements de la maison, n’a toujours pas rouvert ses portes. Sur place, le magasin est détruit. Le toit en fibrociment est complètement percé, l’eau s’est infiltrée partout, les faux-plafonds sont tombés, la laine de verre est déchirée, les puits de lumière sont brisés, l’humidité est partout. Des champignons poussent dans les rayons, où le matériel n’a pas bougé. Des milliers d’objets, de produits, sont toujours en place, mais ils sont endommagés, mouillés, souillés par des milliers de parties du toit en fibrociment tombés avec la grêle.

Bruno Fayard, le propriétaire, qui garde un souvenir marquant du 21 juin, reste inconsolable : « d’après les artisans, on est un des bâtiments les plus sinistrés du secteur. C’est même dangereux de venir ici car on a peur que ça nous tombe dessus Â». Et de lutter avec les experts pour faire reconnaître les dégâts : « comme des bouts du toit en fibrociment sont tombés dans tout le magasin, et qu’ils contiennent de l’amiante, a priori rien ne sera récupérable car tout est considéré comme pollué Â».

Rien n’a donc bougé depuis juin : « L’assurance me dit que c’est compliqué, car les artisans ne sont pas disponibles. Pour toucher quelque chose au titre de la perte d’exploitation, on m’a dit qu’il faut rouvrir le magasin dans les 12 mois qui suivent le sinistre : ce sera vraisemblablement impossible ! Â» Son départ à la retraite devra donc attendre. « L’objectif, c’est de rouvrir. Car je devais partir à la retraite à la fin de cette année 2022, mais avec ce sinistre qui a repoussé mon activité, comme je n’ai droit à rien en tant que patron, je vais devoir repousser mon départ... Depuis le sinistre, j’ai déjà ré-injecté de l’argent personnel dans l’entreprise car les charges, elles, continuent de tomber Â».

À ses côtés dans le bâtiment percé de toute part, sa compagne Nathalie, salariée du commerce, conclue : « Pour mon mari, c’est 40 ans de travail qui ont été anéantis en un quart d’heure. Toute une vie… Moralement, c’est très dur. Â»

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Item 1 of 3

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

« Si notre toit avait été fait de tuiles normales, tout serait différent Â»

À quelques dizaines de mètres de là, le complexe de loisirs Bull’In a lui aussi souffert, plus particulièrement le bâtiment de futsal et de squash, totalement réaménagé il y a trois ans. En ouvrant la porte de cette annexe du bowling, le gérant Florian Maïly décrit les dégâts.

« En 15 minutes, le toit a été totalement détruit. Le parquet de la salle de squash est foutu, on ne pourra conserver que l’armature métallique. Le sol de la salle de futsal va devoir être entièrement démonté. Tout est foutu, les salles, les vestiaires, les sanitaires. Depuis le 21 juin, rien n’a bougé. On a fermé le bâtiment comme on a pu, pour qu’aucun intrus ne puisse pénétrer dans les lieux. Â» Même le matériel entreposé au moment de l’orage est hors d’usage. « On ne peut rien récupérer car la toiture a été détruite en milliers de petits morceaux qui sont en fibrociment. Donc avec risque d’amiante, tout est considéré comme pollué. Â»

La présence d’amiante est d’ailleurs un élément handicapant la remise à neuf. « Le souci, c’est que les entreprises aptes à manipuler des déchets en amiante sont rares. On nous a dit que rien que pour le désamiantage, il faudrait au minimum
3 semaines de travail. Si notre toit avait été fait de tuiles normales, tout serait différent. Â»

Aujourd’hui, Florian reste dans l’incertitude quant à l’avenir de ce bâtiment. Â« L’objectif est de rouvrir les salles de futsal et de squash. Mais quand ? Je ne suis même pas sûr que ce sera en 2023. On est dans le flou. Nous sommes encore en attente de certains devis d’artisans, qui sont saturés de travail. Nous n’avons aucune date d’intervention. On espère que le devis global ne dépassera pas 300 000 euros. Â»

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Item 1 of 3

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

À Digoin, des salariés se sont mobilisés pour préserver leur outil de travail

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

À Digoin, dans la zone commerciale Ligerval, la grêle a aussi touché de nombreuses entreprises. À l’image de l’enseigne But, créée en 2010, qui n’a pu rouvrir ses portes que fin octobre, soit 5 mois après l’orage. Richard Journet, le responsable du magasin, n’avait jamais vu un tel phénomène : «en quelques instants, la grêle a endommagé notre toiture. Avec les orages des jours suivant, l’eau s’est infiltrée partout. Les présentoirs étaient foutus, les sols, l’électricité… Beaucoup de meubles ont souffert des infiltrations d’eau. Â»

La réactivité des employés a permis de réagir rapidement. « Tous les salariés se sont immédiatement mobilisés. On a arraché 2500m² de moquette, déménagé le matériel. Chacun s’est motivé pour le magasin, qui est notre outil de travail. On a décidé ensuite de remettre le magasin en ordre de marche et de programmer des travaux de réaménagement intérieur, basé sur un nouveau concept de circulation des visiteurs. Â»

Richard Journet souligne également la mobilisation des artisans. « On a eu des artisans locaux très réactifs. Au 25 août, les sols étaient refaits et l’électricité aux normes. On a attaqué le nouvel aménagement intérieur le 5 septembre. L’étanchéité du toit a été refaite, avec une membrane et de la laine de roche. On a pu protéger une partie de notre stock, et l’électroménager dans son ensemble. Ce qui n’était pas récupérable selon nous, a été acheté par un soldeur. On a dû perdre 50 % de notre stock physique. Â»

Sans entrer dans les détails, le gérant confie : « En un peu plus de 4 mois, on a réussi à rebondir et rouvrir. Le devis global se monte à plusieurs centaines de milliers d’euros, entre toiture, placo, sols, matériel, informatique, électricité. Â»

Sa satisfaction provient aussi de l’absence de conséquences pour ses salariés : « Ils se sont mobilisés après le sinistre pour protéger et nettoyer le magasin, inventorier le matériel, puis il y a eu les vacances, et on a aussi pu les dispatcher ponctuellement sur nos deux autres magasins en Saône-et-Loire. Grâce à la mobilisation de notre personnel, on a sans doute gagner au moins deux mois sur le timing de la réouverture Â».

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Item 1 of 2

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

À Champlecy, les maraîchers n’étaient « pas assurés pour ces dommages Â»

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

À l’autre bout du couloir de grêle dévastateur du 21 juin, le village de Champlecy compte encore de nombreux stigmates de l’orage. Au cÅ“ur du village, installé depuis 5 ans à deux pas de l’église, un couple de maraîchers, Mathilde et Jérôme Canton Macé, reste marqué. « C’était une journée comme les autres. Jusqu’à 17 heures, tout était normal, avec un temps agréable. Mais en quelques minutes, le ciel est devenu noir. Et des grêlons énormes sont alors tombés violemment, accompagnés de vents très violents. Pour 15 minutes de désastre ! (…) C’était incroyable, super impressionnant. Â»

Les cultures extérieures, notamment les légumes feuilles, « ont été broyées, tout était foutu. Nous n’avons pas eu de salade, de haricots, de melons… Â» L’impact sur les serres a finalement été moindre. « Depuis ce jour-là, on sait que nos serres peuvent résister à de gros coups de vent. La maison a été préservée, même si on a eu un carreau de cassé. Les serres, faites de bâches en plastique, ont été trouées par les grêlons, mais elles ont plutôt bien protégé les plantations abritées. Â» Un coup dur cependant pour ces maraîchers, qui venaient de changer leurs nouvelles bâches il y a un an.

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Moralement atteint, le couple a rebondi. « Les productions sous serres ont sauvé la mise. Ce n’était que des dégâts matériels, mais moralement, c’était dur… Des gens sont venus rapidement nous aider, pour débiter les branches tombées, et nettoyer. Ça nous a fait du bien. Â» Un apaisement de courte durée car l’entreprise ne sera pas indemnisée pour les dégâts sur les serres

« Nous ne sommes pas assurées pour ces dommages. Il y a des assurances pour les serres et les cultures, mais elles sont très chères et contraignantes Â». D’où le bol d’air apporté par une cagnotte en ligne lancée par une cousine : « elle a bien marché, on a eu énormément de soutiens. Ça prouve que les gens croient en nous, en notre travail et qu’ils veulent qu’on continue. Â»

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Avec deux enfants en bas âge, Mathilde et Jérôme ont décidé de poursuivre leur activité de maraîchage. Le montant de la cagnotte a permis au couple de racheter des bâches pour les serres. 

« On n’a pas trop à mettre de notre poche, c’est super. Quand on a créé notre entreprise, on a mis toutes nos économies dedans et nous n’avons pas de crédit. Maintenant, il faut remettre les serres d’aplomb, il reste pas mal de travail. Â»

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Item 1 of 3

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

La galère des assurances pour les particuliers

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Depuis juin dernier, les particuliers victimes de l’orage, ont enchaîné les dossiers administratifs pour tenter d’être indemnisés. En fonction du type d’assurance, des différentes compagnies et des clauses comprises dans leurs contrats, chaque situation était différente.

Encore aujourd’hui, il ne se passe pas une semaine sans que des habitants échangent autour de ce sujet, évoquant le passage de l’expert ou l’écoute plus ou moins attentive de son assureur. Ainsi, pour des situations assez semblables, chacun peut être indemnisé différemment.

André estime s’en être plutôt bien sorti

Reste que les démarches administratives ont été complexes et toujours sources de négociations. André Bacon, par exemple, de La Motte-St-Jean, était dans un magasin de la zone de Barberèche, où la grêle a dévasté sa voiture, une Renault Talisman neuve. Criblée d’impacts, avec toutes les vitres brisées et une aile avant cassée, son véhicule était hors d’usage. Mais André estime avoir été plutôt bien accompagné. « J’ai une bonne assurance. Je les ai appelés et ils nous ont envoyé un taxi, pendant qu’un garage venait récupérer notre voiture. Â» André et son épouse ont dû ensuite adapter leurs déplacements, facilités heureusement par le fait qu’ils possédaient « une autre petite voiture Â». Au final, André a cependant attendu le 13 octobre pour retrouver une voiture neuve, soit 4 mois après l’orage.

Didier en aura pour sa poche

L’un des sites les plus touchés le 21 juin se situe dans la commune de Saint-Léger-les-Paray, dans les lotissements des Mûriers. Là, toutes les maisons ont souffert. Six mois après, des bâches couvrent encore les toits meurtris.

Didier Alex possède l’une des maisons situées en haut du quartier. Tuiles cassées, écoulements d’eau dans la maison, terrasse dégradée… Au soir du 21 juin, une partie de sa demeure était inhabitable. Replié sur la moitié qui a moins souffert, il a mené un véritable combat pour faire reconnaître ses dégâts auprès de son assurance : « j’ai appelé des artisans pour avoir des devis. Mais il a fallu beaucoup de temps. Notre toiture n’était toujours pas refaite plus de 4 mois après. Et je sais qu’on en aura de notre poche pour consolider le toit avec des voliges ».

A l’extérieur, la terrasse a été détruite, tout comme le jardin, les arbustes, les éléments de séparations et les occultants, « mais rien n’est compris dans l’assurance, ce sera à nous de payer Â». Reste aussi à s’entendre avec l’expert : « il a estimé les dégâts à 39.000 euros, mais avec les devis, on constate qu’il nous faut plutôt 44.000 euros. Sans compter que nos trois voitures ont été elles aussi endommagées Â».

Plusieurs mois après la tempête, Didier Alex est un peu démoralisé : « pas grand-chose a avancé… On est tout seul, il faut qu’on se débrouille. Pour faire les travaux, j’ai reçu une avance de l’assurance, mais je vais devoir avancer moi aussi de l’argent… Moralement aussi, c’est dur. On pense à ça en permanence, ça nous prend beaucoup de temps et d’énergie. On rentre du travail chaque jour et on pense à ça, on donne des coups de fil, on suit le dossier Â».

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Item 1 of 5

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS

Photo JSL/Ketty BEYONDAS